Cahiers de doléances :
Les gilets jaunes discutent et échangent autour de leur rond-point. Ici ou là apparaissent des cahiers de doléances dans lesquels s’entrechoquent espérances sociales, écologiques et démocratiques. Ainsi on retrouve des demandes très concrètes de revalorisations des minimas sociaux (retraites, SMIC par exemple) ou encore l’augmentation des salaires mais aussi une remise à plat de la fiscalité et des mécanismes de taxations. Espérances écologiques également par l’arrêt de « l’artificialisation » des sols au travers de grands projets inutiles comme la ZAC des Portes du Tarn, l’engagement d’une véritable transition écologique par la mise en place de transports en commun efficients et gratuits, un plan massif d’économies d’énergies par la rénovation thermique des bâtiments. Comment notre majorité va-t-elle faire avaler aux saint-sulpiciens qu’il leur faut faire un effort de transition énergétique en payant leur gasoil plus cher quand on sait que les mêmes sont favorables à un permis de construire de 70 000 m² de surface de plancher qui ne prévoit pas un seul m² de toiture photovoltaïque ? Et on ne parle même pas des députés LREM qui valident que les « taxes carbone » servent principalement à alimenter les crédit d’impôts d’entreprises (Crédit Impôt Compétitivité Emploi) ??
Espérances démocratiques, enfin, par la mise en place de référendums d’initiatives citoyennes, la possibilité de révoquer un élu, etc.
C’est un processus remarquable que celui d’un mouvement qui dépasse les attentes corporatistes ou individuelles pour envisager ce que pourrait être la société d’après. La Cité est réinvestie dans toutes ses composantes. Il ne faut pas passer à côté de ce qui s’opère ou encore le regarder de loin avec une certaine condescendance. La parole est ouverte et doit se prolonger, s’enrichir pour formuler des propositions concrètes et trouver des débouchés politiques durables.
De la violence :
La controverse, le conflit ne sont pas de nature à inquiéter. Elles sont naturelles à toute forme de société. Seulement, dans une démocratie républicaine comme la nôtre les sujets doivent se régler pacifiquement par le débat, la pétition, la manifestation, la grève et le vote. Tous ces dispositifs sont reconnus par notre constitution et au final c’est le vote qui permet de trancher les questions.
Considérer que « ce n’est pas la rue qui gouverne » *en niant par exemple le droit de manifester, reconnu comme une forme d’expression légitime dans notre pays, est au mieux une vision étriquée de la démocratie au pire un appel à l’émeute. Il en va de même par la négation des conflits sociaux dans les entreprises.
Aborder la question des violences auxquelles nous assistons en ce moment ne peut se couper de cette analyse. La négation de toute forme d’expression citoyenne reconnue par notre constitution est déjà en soit une violence car elle prive la population de droits civiques fondamentaux.
L’autre violence qui opère, plus sourde, plus diffuse et donc plus discrète, c’est la violence sociale. C’est la violence de la perte de l’emploi, le sentiment de déclassement social, l’enrichissement toujours plus important des autres et les fins de mois de plus en plus difficiles pour les autres. Nul doute que la stratégie systématique de remise en cause des corps intermédiaires aura privé nombre de salariés de moyens d’expressions et de résolutions des conflits dans les entreprises. Aujourd’hui, le travail tue des milliers de personnes chaque année dans notre pays et pourtant les politiques publiques réduisent drastiquement les moyens alloués aux prud’hommes ou encore les moyens alloués au contrôle du travail. La souffrance de milliers et de milliers de salariés passent sous les écrans radars.
Les privés d’emplois sont pointés du doigt systématiquement. Les « assistés » sont présentés comme des pantouflards qui ne voudraient même pas traverser la rue pour trouver un travail. Beaucoup l’oublient mais le chômage est un droit acquis par le travail et les cotisations du salarié. C’est assurance n’est pas gratuite et ne tombe pas du ciel.
La violence, sous quelque forme que ce soit, est condamnable mais cette condamnation ne peut être à géométrie variable. Nous croyons d’avantage aux solutions pacifiques qu’aux solutions violentes. Nous devons rejeter la casse et l’agression. Nous devons rejeter les violences morales, physiques, sexistes, racistes ou politiques. Nous ne voulons plus voir le triste spectacle de lycéens agenouillés les mains sur la tête comme le triste spectacle de voitures qui brulent ou de vitrines brisées.